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CONFLIT POLICE POPULATION : CES FLICS QUI VEULENT BRISER LA GLACE

"Le poids des mots pour soigner les maux"

ON PARLE DE QUOI ?

Les tensions qui règnent entre la police et la population semblent s’accentuer de jours en jours. Ne parlons pas de celles qui règnent entre cette même police et les jeunes de banlieues. Où plutôt si, parlons-en. Pas une semaine ne s’écoule sans que l’actualité ne fasse état d’un nouvel affrontement entre les deux “camps”. Mais que faire pour mettre fin à un tel conflit? N’est il pas trop tard pour panser des plaies déjà bien ouvertes? Deux solutions émergent : l’entre soi ou le vivre ensemble. Certains ont choisi la deuxième option, ils sont les nouveaux gardiens de la paix. 

LES NOUVEAUX GARDIENS DE LA PAIX : QUI SONT-ILS ?

D’un point de vue institutionnel ils constituent le corps d’encadrement et d’application de la Police Nationale. Ils portent un uniforme et sont dotés d’une arme de service. Ils disposent d’une certaine autorité et ont d’ailleurs la légitimité de l’asseoir auprès de ceux qu’ils encadrent et protègent, les gouvernés. Ceux-là travaillent pour le compte des gouvernants.

©Daria Sannikova

D’un point de vue plus étymologique ils sont les garants de la paix où essayent au minimum de tendre vers cette dernière. Leurs armes ne sont pas létales. Le dialogue, le sport ou encore l’engagement associatif en sont quelques exemples. Leurs actions ont pour but d’unir, de rassembler et de mettre fin à des conflits bien ancrés dans les mentalités depuis trop longtemps. C’est à ces garants de la paix là que nous avons choisi nous intéresser.

Laurent Thevenot/PHOTOPQR/Le Progrès/MaxPPP

Christophe Korell, ancien policier, fondateur et président de l'ACPJ, l'Agora des Citoyens de la Police et de Justice 

Il s’agit pour la plupart de policiers ou ex-policiers qui ont rejoint voire fondé des associations. Certains sont considérés par leurs confrères comme les moutons noirs de leur profession. Ils ont des avis bien tranchés et proscrivent pour beaucoup la langue de bois. Ils n’ont pas peur de reconnaître leurs torts mais veulent aussi faire résonner l’écho de leurs souffrances ou plutôt de ceux qu’ils représentent.

New York Skyline

LES FRANÇAIS TOUS ANTI-FLICS ?

Avant tout il est nécessaire, indispensable même, de dresser un état des lieux de la situation actuelle en France s’agissant des relations police/population et plus encore police/jeunes des banlieues. Premier constat, contrairement à ce que l’actualité récente pourrait nous laisser croire, trois quarts des français ont une plutôt bonne image de leur police et de la police nationale d’une manière générale. C’est en tout cas ce que révélait une enquête menée par le cabinet d’études et de statistiques ELABE en avril dernier. 76% des français affirment ainsi faire confiance à la Police Nationale “conscients des difficultés et des dangers inhérents au métier de policier et jugeant positivement les policiers dans l’exercice de leur fonction”. Une information qui a de quoi redonner le sourire aux 144 000 policiers répartis sur le territoire français. Toujours selon l’étude d’ELABE, 72% des français pensent que les policiers font bien leur travail et 70% les considèrent comme honnêtes.

Et les bavures ?

Par ailleurs l’enquête révèle aussi qu’une “majorité de français estime que les bavures policières ne sont pas assez sévèrement sanctionnées.” 61% pour être précis quand 47% d’entre eux estiment que les policiers abusent de leurs pouvoirs. 

LES ENQUÊTES DE L’IGPN EN NETTE AUGMENTATION

L'INFLUENCE DES MOUVEMENTS SOCIAUX

Si l’on en croit le rapport annuel de l’IGPN, l’inspection générale de la police nationale, 1180 enquêtes judiciaires ont été ouvertes en 2018 soit une augmentation de près de 9% par rapport à l’année 2017. Pas moins de 612 de ces enquêtes portent sur des violences volontaires. Toujours d’après le rapport de l’IGPN, “dans 9 cas sur 10, les policiers incriminés font partie des unités locales de voie publique qui assurent des missions les mettant en relation directe et permanente avec la population”.

 

Bien que le rapport ne précise pas le nombre et la nature des sanctions distribuées aux fonctionnaires de police, l’IGPN insiste sur une activité d’enquête en hausse. Cette augmentation pouvant par ailleurs s’expliquer par les mouvements sociaux particulièrement virulents de la fin d’année 2018 et qui se sont poursuivis en 2019. Certes l’IGPN n’est pas habilitée à sanctionner mais elle peut toutefois émettre des propositions de sanctions. Ainsi, on note qu’en 2018 elle a émis 359 propositions de sanctions à l’encontre de fonctionnaires de police soit 25,9% de plus qu’en 2017.  

LES BANLIEUES : UNE IMAGE PARADOXALE

Une enquête réalisée en 2018 par l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) révèle que l’image des quartiers dits “prioritaires” dans les médias et plus encore dans la société française n’est pas très positive. Pour les Français, en tout cas pour 56% d’entre eux, ces quartiers sont synonymes d’insécurité. Ce qui est paradoxale c’est qu’une autre étude menée par le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) en 2018, tend à montrer que dans la presse régionale les représentations de ces mêmes quartiers sont plutôt positives. Un phénomène que l’agence de presse MeltingBook explique dans l’un de ces articles par le fait que «la presse régionale est logiquement plus proche du terrain que la presse nationale. Elle entretient de véritables relations avec les différents acteurs du territoire qui sont ses sources, sans lesquelles elle ne peut exister».

UN MUR DE GLACE ET DES SOUFFRANCES PARTAGÉES

Le climat qui règne entre la police et les jeunes de quartiers se veut particulièrement glaciale ces derniers temps. C’est une réalité que l’actualité nous prouve quasi-quotidiennement. Les affrontements ne cessent de se multiplier avec leurs lots de violences, de propos haineux et de débordements. Des débordements de la part des jeunes mais également de la part des agents de police. Reste ensuite à faire la lumière sur l’origine de ces débordements et sur la responsabilité de chacun. Qui a cogné le premier? Qui a provoqué l’autre? Des questions épineuses auxquelles la justice se doit de répondre. Malheureusement il est souvent difficile de démêler le vrai du faux tant l’animosité qui règne entre les deux parties est présente. Un mal être mutuel dont il s’avère compliqué de définir les sources. 

Quand les policiers souffrent d’un manque de moyens, d’effectifs, de considération (les poussant parfois à commettre des gestes irréparables : 54 suicides d’agents de la paix depuis le début de l’année au 21 octobre) les jeunes dénoncent quant à eux un exercice abusif de l’autorité, des contrôles au faciès, du dénigrement voire du racisme à leur égard. «Oui à l’autorité, non à l’autoritarisme»  martèle Hadama Traoré, porte voix des cités et “gars de quartier” ayant grandi aux 3000 à Aulnay-sous-bois.

"Oui à l'autorité, non à l'autoritarisme"

L’œil du sociologue 

(interview)

 

Jérémie Gauthier est enseignant chercheur à l'université de Strasbourg, au laboratoire Dyname et au centre Marc Bloch de Berlin. Ses recherches portent principalement sur les questions policières à partir d'enquêtes de terrain qu'il réalise dans différents services de police. Le sociologue se penche tout autant sur le travail policier et les réformes de l'institution que sur les relations entre policiers et gouvernés. 

Un rôle à jouer du côté des institutions 

Chez les policiers comme les jeunes de banlieues le rôle des institutions et particulièrement du pouvoir politique dans le maintien des tensions ne fait aucun doute. “On essaye d’être acteurs du changement et on nous met systématiquement des bâtons dans les roues” se désole Hadama Traoré qui nous explique comment de simples démarches comme le prêt d’une salle par la mairie d’Aulnay-Sous-Bois pour accueillir une réunion de rapprochement police-population deviennent de vrais casse-têtes. 

 

Un autre sujet revient aussi régulièrement sur la table : la police de proximité. Ou plutôt la suppression de cette dernière en 2003 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur. "Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c'est bien, mais ce n'est pas la mission première de la police" avait alors lancé le nouveau locataire de la place Beauvau. 

 

Dans une interview accordé à LCI en 2017, l’ancien haut fonctionnaire de police Jean-Pierre Havrin revenait sur le rôle crucial de cette police de proximité. “Ça fonctionnait bien et les policiers ont été stupéfaits d’entendre ces paroles. Ils s’étaient investis dans ce travail, ils réussissaient à patrouiller à pied dans des quartiers difficiles, ils avaient noué des relations très serrées. Aujourd’hui encore, dans des quartiers comme le Mirail, on se souvient de la police de proximité avec sympathie. On était pourtant partis de loin avec de violentes émeutes, ça avait été dur.” 

 

Jérémie Gauthier relève quant à lui une forme de schizophrénie dans la mentalité policière concernant la police de proximité. “Un certain nombre de policiers étaient assez hostile à cette réforme au début des années 2000 et accueillaient avec beaucoup d'enthousiasme l’arrivé de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Et pourtant deux ou trois ans après j’ai observé un retournement dans les discours policiers, une certaine nostalgie de la période de la police de proximité et une hostilité croissante avec ce qui était à l’époque considéré comme la période de Nicolas Sarkozy c’est à dire la politique du chiffre.”   

Et pourtant : la PSQ

La PSQ ou police de sécurité du quotidien soufflera dans quelques semaines sa deuxième bougie. C’était une promesse de campagne du président Macron et ce fut l’une des premières tâches confiées à Gérard Collomb en tant que ministre de l’intérieur. Objectif : créer une «société de vigilance». Concrètement il s’agit d’une nouvelle forme de police de proximité déployée essentiellement dans les quartiers sensibles du territoire français. Dans les faits cela passe passe par un renfort de 15 à 30 policiers dans 30 quartiers baptisés QRR, comprenez quartiers de reconquête républicaine. D’ici la fin du quinquennat le gouvernement s’est donné l’objectif de développer la PSQ dans 60 quartiers. Seulement pour certains comme Christophe Korell et Jérémie Gauthier il ne s’agit que d’un écran de fumée et ceux là ne s’attendent pas à voir les relations évoluer entre la police et les quartiers.

« Dans un monde idéal, notre association n'aurait pas lieu d'être »

Christophe Korell : président de l'ACPJ 

À travers différentes initiatives comme des temps de rencontre et d’échanges avec la population, des projections de films ou encore des conférences, l’ACPJ renoue avec ceux que Jérémie Gauthier appelle les gouvernés. De nombreux sujets sont abordés lors de ces rendez-vous, comme le contrôle d’identité, le maintien de l’ordre ou encore le suicide dans la police. Christophe Korell se défend toutefois d’être le porte-parole de la police nationale. Il n’a d'ailleurs aucun mal à reconnaître l’existence des violences policières, des “bavures”, ce qui lui attire parfois, il l’admet, l'hostilité de certains policiers et syndicats de polices. 

Prox raid Aventure : le sport comme exutoire

Prox Raid Aventure est un autre exemple d’initiative pour le rapprochement police/population et particulièrement police/jeunes de banlieues. L’association, présidé par un ancien membre du Raid, Bruno Pomart, fait se rencontrer des policiers bénévoles et des jeunes de quartiers sensibles par l'intermédiaire d'activités sportives. « Naturellement je ne vais pas aller parler avec les policiers. Déjà parce qu'on n’a rien à se dire et puis de toute façon c’est pas quelque chose de naturel » nous explique Quentin, 16 ans, un jeune de quartier venu assister à une rencontre organisée par l’association à Soisy-Sous-Montmorency. Le lycéen salue toutefois le travail de ces policiers bénévoles qui ne peut « qu’apaiser les tensions ».  C'est aussi ce que pensent les policiers présents à chaque événement tout au long de l'année. «On a tellement perdu le lien qu'on pouvait avoir à une certaine époque avec les jeunes qu'il nous parait urgent d'essayer de le retrouver au moins en partie pour éviter tous les débordements qu'on connait» témoigne anonymement l'une des bénévoles présentes à Soisy.    

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